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"Ya no estoy aquí" : nouveau film mexicain disponible sur Netflix.


La semaine dernière, j’ai vu sur Netflix Ya no estoy aquí, le dernier film du réalisateur mexicain Fernando Frías de la Parra, après avoir entendu de nombreux commentaires négatifs de la part de certains locaux.


Gagnant de l’oscar du meilleur long-métrage au Festival International de Ciné de Morelia il y a un an, il a fallu attendre plusieurs mois afin de voir disponible le film sur la plateforme de Netflix.


L’histoire est celle d’Ulises Samperio, un jeune homme de 17 ans, leader des Terkos, un groupe de musique Kolombia, la kolombia étant une subculture née de la fusion entre la cumbia colombine (style de musique importée par les immigrés colombiens vers le milieu du XXe siècle) et la culture mexicaine. On peut dire d’une autre manière que la kolombia est une rencontre entre le Mexique et la Colombie au travers de la musique, une réappropriation de la cumbia à Monterrey et dont l’un des leaders principaux, Celso Piña, est décédé l’an dernier (voir l’article Celso Piña est mort : mais qui était Celso Piña ?).


À la suite d’un malentendu avec un cartel local, Ulises est forcé de fuir Monterrey et débarque à New-York où le choc culturel est brutal et où tous ses repères identitaires sont mis à mal.


Les scènes tournées à Monterrey se concentrent sur le Cerro de la Campana, l’un des quartiers les plus démunis de la ville que j’apercevais depuis la terrasse de l’immeuble où je vivais avant.

Un spectateur peu averti pourrait penser que nous sommes au fin fond de la métropole et pourtant il n’en n’est rien. Le Cerro de la Campana se trouve entre la zone du TEC, l’une des universités les plus cotées du Mexique, et San Pedro Garza García, la ville la plus riche d’Amérique Latine. Nous ne sommes donc absolument pas en périphérie de Monterrey. Nous sommes dans ce que beaucoup se refusent à appeler une favela, qui pourtant en a toutes les caractéristiques, et nous sommes au cœur de la ville.


Contraste entre le quartier financier de San Pedro à gauche et les favelas à droite, seulement séparés par une avenue.


Ya no estoy aquí met pour la première fois en images une face de Monterrey qu’on ne veut pas voir et ça fait du bruit, surtout du côté de San Pedro où beaucoup s’offusquent, niant cet aspect culturel de la ville. J’ai ainsi entendu de façon récurrente : « C’est une honte de montrer ça. Les touristes ne viendront plus à Monterrey après avoir vu cette bande de « cholos » à l’écran. » En réalité, ce qui est une honte c’est d’appeler les danseurs de kolombia (ou tout autre personne) « cholos », manière de désigner des personnes d’origine indigène d’une façon peu élégante (pour ne pas dire vulgaire) et qui démontre à quel point le Mexique peut être raciste. N’en déplaise à certains, la kolombia existe et il n’y a rien de mal à en faire un film, au contraire. En outre, qu’on se rassure, Monterrey n’est pas connu pour son tourisme et je doute en réalité que ce film fasse fuir qui que ce soit.


Le film dérange et indispose certains, ceux qui se refusent à admettre qu’il y a un problème social, ceux qui ferment les yeux face à la misère, à la corruption et à la violence des cartels. Vivre sur le Cerro de la Campana, c’est vivre dans des maisons auxquelles ils manquent un sol et des fenêtres, où il n’y a pas de chauffe-eau, où les rues sont étroites et sales car les éboueurs ont peur de s’y aventurer.



Le langage est un autre aspect qui déroute car c’est essentiellement de l’argot ou ce qu’on appellerait « slang » en anglais mais c’est ce qui rend le film d’autant plus authentique.


Pour ma part, je ne peux que conseiller de voir le film car il aborde une subculture née dans les quartiers défavorisés de Monterrey et qui mérite qu’on s’y attarde. Le groupe des Terkos n’est évidemment pas le seul groupe de musique kolombia et à cet égard, on voit que différents groupes s’affrontent dans ce qu’on pourrait comparer à des battles de hip-hop.


La limite est que le thème identitaire aurait mérité d’être approfondi. On voit combien le choc est grand pour Ulises lorsqu’il débarque à New-York mais en définitive, on reste un peu sur notre faim. On sent bien les influences du réalisateur Alfonso Cuarón (l’auteur de Roma, également disponible sur Netflix) sur Fernando Frías qui montre sans aucun doute tout son potentiel dans Ya no estoy aquí, mais un potentiel qui doit encore être exploité et travaillé en termes de narration. En revanche, et je pense que c’est un des aspects les plus aboutis du film, la photographie est sublime.



J’espère que ce bref article poussera certains lecteurs à voir le film, en particulier dans le contexte actuel de tensions raciales et sociales. Enfin, pour les curieux, je compte écrire prochainement un article avec des recommandations d’écrivains, de chanteurs et d’artistes mexicains mais question cinéma, je vous invite à aller explorer le travail des réalisateurs mexicains suivants : Alfonso Cuarón (Roma, Gravity), Guillermo del Torro (La forme de l’eau, Le labyrinthe de Pan) et Alejandro González Iñárritu (Birdman, The Revenant, Babel).

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