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Mes pires expériences au Mexique


L’écriture de mon dernier article (Trois années d’expatriation au Mexique) m’a amené à faire un véritable voyage mental sur un territoire qui est mien et que j’ai nommé Expatriation. J’ai replongé dans mon passé mexicain et me suis rappelée diverses expériences : certaines avec le sourire et d’autres avec amertume. Les souvenirs sont multiples mais aujourd’hui c’est sur ceux un peu délicats que je souhaite me pencher, ceux qui laissent un goût amer, ceux mi-figue mi-raisin, qui nous laissent avec des sentiments confus et mitigés quand on y pense, ceux qu’on n’avoue jamais franchement, qu’on préfère oublier. Etant profondément attachée à l’authenticité du blog, je livre ici un aspect de l’expatriation que l’on révèle peu, en particulier sur les réseaux sociaux. Aujourd’hui, donc, c’est tombé de rideau !


 

Arrivée au Mexique dans un appartement insalubre


Comme je le relatais dans l’article Première fois sur le sol mexicain sur un ton plutôt humoristique, j’ai atterri dans un appartement insalubre lors de mon premier séjour au Mexique. Rétrospectivement j’en ris, mais avouons-le, sur le moment je n’avais qu’une envie : faire le chemin inverse en direction de l’aéroport et rentrer illico en France. La leçon : ne jamais s’engager dans un contrat de location à distance, même si l’institution (il s’agissait dans mon cas de la plus grande association d’accueil pour les étudiants étrangers à Monterrey) semble sérieuse et est bien réputée.


« Vous êtes sous la dépendance de votre mari »


Ces mots sont ceux d’un agent de l’immigration. Contrairement à ce que je croyais et à ce qui m’avait été dit, non, être marié à un Mexicain ne donne pas le droit de travailler avant deux ans de résidence à temps plein dans le pays. Je ne peux que blâmer moi-même pour ne pas m’être mieux renseignée et pour avoir été trop crédule face à ce que certains (des personnes de toute évidence mal informées) m’ont dit, néanmoins, j’ai reçu ces propos comme une gifle. Pour être plus précise, voici ce que m’a dit l’agent de l’immigration : « Vous n’avez pas le droit de travailler, mais de quoi vous plaignez-vous ? Vous êtes sous la dépendance de votre mari. » Ces propos me semblent encore aujourd’hui tellement lamentables qu’ils ne méritent même pas d’être commentés. Le plus douloureux est que mon mari et moi avions avancé la date de la signature justement afin que je puisse travailler le plus rapidement possible. En définitive, beaucoup de désinformation et de déconvenue qui laissent un goût amer et une expérience difficile seulement deux mois après mon installation au Mexique.


Recherche d’emploi compliquée


Sans permis de travail, la solution est qu’une entreprise vous invite à travailler pour elle et effectue pour vous les démarches vous permettant d’obtenir le droit de travailler. Dans ce cas de figure, si l’entreprise souhaite vous recruter, c’est elle qui va se rapprocher de l’immigration et entreprendre la partie administrative. J’expliquais tout cela en détail dans l’article Recherche d’emploi et immigration au Mexique : réponses à vos questions.

Mais soyons honnêtes : les opportunités de contrats locaux pour les étrangers au Mexique sont rares. Tout dépend bien-sûr de votre expérience, notamment en lien avec les besoins du marché du travail (les ingénieurs sont par exemple prisés à Monterrey qui est une ville industrielle), mais rien n’est facile, en particulier dans un environnement où les choses fonctionnent principalement au travers du réseau.


C’est dans ce contexte délicat que je me suis escrimée (oui, escrimée) à rechercher un emploi et que j’ai envoyé des centaines de candidatures et eu l’opportunité de passer de maigres entretiens d’embauche qui se sont soldés par des échecs. Au début, je relativisais, puis le temps passant j’ai commencé à me décourager, à perdre confiance en moi, à lâcher-prise. Si vous avez lu mon dernier article, Trois années d’expatriation au Mexique, vous savez que je n’ai pas été inactive, que j’ai fait un certain nombre de choses, mais quelques qu’en furent les issues, ce furent des moments difficiles qui peuvent sans nul doute, à un moment ou un autre, nous déstabiliser dans notre expatriation et ce d’autant que nos repères sont chamboulés. Nos proches sont loin, on doit parfois fournir d’importants efforts d’adaptation, apprendre une nouvelle langue, manger différemment et aussi riche que tout cela soit, lorsque l’on se retrouve en difficulté, ça peut se révéler challengeant.


Test de grossesse à l’embauche


Peu de temps après mon installation au Mexique, j’ai eu l’opportunité de passer un entretien d’embauche dans la branche mexicaine d’une entreprise américaine de distribution d’acier. Honnêtement, le secteur industriel ne m’attirait pas mais je recherchais désespérément un travail : il s’agissait d’un poste d’acheteuse qui me permettrait d’acquérir de l’expérience et un ami de mon mari qui y travaillait m’avait aidé à obtenir un entretien. Ce fut l’une de mes pires expériences. Voici de façon synthétique comment s’est déroulé l’entretien avec le responsable des ressources humaines :


- Premièrement, une profusion de questions que je considère indiscrètes et d’ordre purement personnel avec un tutoiement immédiat dont voici des exemples : depuis combien de temps es-tu mariée ? Que fait ton mari, pour quelle entreprise travaille-t-il ? Que font tes parents ? As-tu des frères et sœurs, si oui quel âge ont-ils et que font-ils ? Comment définirais-tu ta relation avec ta famille ? Es-tu proche de tes parents ?

Absolument rien ne m’a été demandé en relation avec mon profil professionnel, mes expériences, mes compétences ou mes motivations. Rien.


- Deuxièmement, des dessins à faire (maison, personnages…). Issue : on m’a déclaré que j’avais un problème psychologique (mais Freud n’a-t-il pas écrit que nous étions tous des névrosés ?) car je n’avais pas bien dessiné les mains aux personnages et que mon trait n’était pas assez ferme et régulier. Eh bien zut alors, on ne m’avait pas prévenu qu’il fallait être Picasso pour postuler à un poste d’acheteuse d’acier !


- Troisièmement, un test psychologique (bien qu’on m’avait déjà dit que j’avais un problème psychologique mais peut-être en cherchaient-ils d’autres ?) avec des questions situationnelles et des réponses à choix multiples, l’idée étant de dire comment moi j’aurais agi dans tel ou tel autre cas de figure. Sans surprise, la conclusion se révéla être la même que pour les dessins : « tu as un problème psychologique ». C’est dommage qu’on ne m’ai pas dit lequel ! De retour à la maison, on a trouvé avec Andy le vulgaire QCM en ligne : il l’a fait et avait presque partout répondu comme moi. Chéri, désolé de te le dire, mais tu as un problème psychologique.


Mais je n’étais pas au bout de mes peines…Après avoir passé les « tests », le responsable des ressources humaines a fait venir l’infirmière de l’entreprise, une femme aux cheveux gras, aux ongles vernis sales et qui n’arrêtait pas de mastiquer son chewing-gum la bouche ouverte. But de sa présence : me faire faire un test de grossesse. Elle m’a remis un bocal et m’a suivi jusqu’aux toilettes. J’insiste sur ce fait : elle n’a pas attendu dans le couloir mais est restée collée juste derrière la porte du cabinet. Qu’imaginait-elle ? Que j’avais un échantillon d’urine dans mon sac à substituer ? Je me suis sentie humiliée. Pourquoi n’ai-je rien dit ? Pourquoi ne m’y suis-je pas opposée alors que tout mon être criait de lui balancer mon bocal d’urine à la figure ? Deux raisons sont en cause : la première est que j’ai naïvement pensé que c’était peut-être légal au Mexique ; la deuxième était qu’un ami, employé de l’entreprise, m’avait obtenu cet entretien et que je ne souhaitais pas qu’il subisse des répercussions.


Quelques jours plus tard, j’ai dîné avec des amis et l’un d’entre eux m’a bien spécifié que le test de grossesse à l’embauche était illégal et que je devrais entreprendre des poursuites. Je ne l’ai pas fait. Je venais de m’installer au Mexique et pour être honnête, je me sentais désorientée. Andy n’était pas en faveur de cette perspective et je ne me voyais pas engager une procédure juridique seule. Deux ans plus tard, j’ai discuté avec des collègues de mon ami qui travaille toujours dans cette entreprise et aucunes d’elles n’ont subi de test de grossesse. Elles semblaient outrées. Il apparaît évident que j’ai été victime d’une injustice. Je venais de me marier or un grand nombre de femmes qui se marient au Mexique ont rapidement des enfants et arrêtent de travailler. Mais là n’est pas la question : l’acte était illégal, point.


En définitive, j’ai reçu une proposition d’embauche…que j’ai rejeté. C’était bien-sûr paradoxal car je ne trouvais pas de travail et je bénéficiais alors d’une offre concrète (bien que ce soit étrange qu’ils souhaitent m’embaucher après m’avoir dit quinze fois que j’avais un problème psychologique…) Mais suite à la manière dont j’avais été traitée, je ne me voyais pas intégrer cette entreprise. Aujourd’hui, je ne regrette pas ma décision.


Limites toujours plus grandes franchies en entretien d’embauche


J’ai eu d’autres entretiens par la suite dont un dans une agence internationale de ressources humaines. Le manager qui m’a reçu m’a d’emblée dit que chez eux c’était du 8h-22h et que c’était quand même incroyable que je n’ai aucune expérience. Je ne peux nier que c’était la faiblesse de mon CV en terme commercial : je n’avais en effet occupé aucun poste en entreprise. Mais lorsque je lui ai répondu qu’il s’agissait pour moi d’une réorientation professionnelle car je souhaitais évoluer et que je pouvais transposer des compétences que j’avais acquises en tant qu’infirmière et directrice adjointe de crèche, il m’a rétorqué que ce n’était pas de « vrais boulots » …Eh oui, c’est bien connu : les infirmières se tournent les pouces ! J’ai dû me mordre la langue pour ne pas lui assener : « Eh bien écoute mon vieux, le jour où tu tomberas malade, que tu seras dans ton lit d’hôpital et que tu sonneras l’infirmière qui travaille douze heures par jour, sans avoir le temps ni de boire, ni de manger, ni même d’aller pisser, j’espère bien qu’elle te fera attendre. » Le même manager m’a également demandé si mon mari allait me laisser travailler…Mince alors, je ne m’étais pas rendue compte que j’avais été catapultée au XVIIIe siècle ! Conclusion de l’entretien : le type m’a demandé de le rappeler si j’étais intéressée. Vous vous doutez de la suite…

Quelques mois plus tard, une personne de chez eux m’a appelé en me demandant si j’étais toujours en recherche d’emploi et si j’étais disposée à passer de nouveaux entretiens : je lui ai expliqué pourquoi je ne comptais pas renouveler l’expérience et il a eu le mérite de me présenter des excuses.


Ma dernière anecdote loufoque de cet acabit remonte à la semaine dernière. J’ai passé un entretien dans un lycée pour donner des cours de français. La responsable du département des langues étrangères m’a demandé si j’étais catholique pratiquante et surtout pourquoi je n’avais toujours pas d’enfants après deux ans de mariage et quand je comptais en avoir…Sans commentaires. Sur le moment, je me suis demandé ce que diable je faisais là et pourquoi je m’infligeais de revivre ce genre d’expériences.


Annulation d’embauche


Pour en finir avec les ressources humaines, je me souviens que l’on m’avait promis trois groupes d’étudiants pour des cours de français. La directrice d’un centre de langues m’avait demandé de lui « sauver la vie » car des professeurs avaient brusquement démissionné. Je me suis rendue disponible, j’ai rejeté une autre offre et…elle ne m’a finalement donné qu’un groupe. Ça se passe de commentaires.


Huit mois pour l’obtention de la résidence permanente


Je compte rédiger un article plus détaillé à ce sujet mais synthétiquement, voici ce qu’il s’est passé. Après deux ans de résidence temporaire, il est nécessaire de la rénover ou dans mon cas, étant mariée à un Mexicain, de solliciter la résidence permanente. La procédure prend environ 2 mois et demi sachant que lorsqu’elle est en cours, on ne peut pas quitter le territoire à moins de solliciter un permis spécial. L’ayant déposé début septembre l’an dernier, je ne devais pas avoir de problème particulier pour voyager en France en décembre puis en avril. Mais à deux reprises, j’ai dû payer un permis particulier (le deuxième a failli ne pas m’être délivré) car les services de l’immigration étaient débordés et faisaient face à un contexte politique changeant. En définitive, j’ai obtenu ma résidence permanente au bout de 8 mois et dû payé un avocat afin m’aider à faire bouger les choses.


Nouvelle chirurgie à venir


Dans un tout autre registre, il y a un an, je me suis fait opérer d’un hallux-valgus (déformation osseuse) au pied droit. Alors que cette opération devait me soulager, j’ai aujourd’hui encore des douleurs et pire encore, j’ai perdu ma mobilité de l’articulation. Ne pouvant pas porter de chaussures autres que des tennis sans souffrir et la rééducation ne m’apportant plus aucune amélioration, je vais peut-être devoir assumer les frais d’une nouvelle opération…Selon mon chirurgien, il s’agit de fibrose osseuse mais j’ai fait le choix de solliciter d’autres avis étant peu satisfaite et pas assez convaincue.


 

Toutes ces expériences ne sont que des exemples et elles sont pour chaque expatrié différentes. Elles n’ôtent en rien la chaleur des bons moments, des voyages, des découvertes culinaires, des rencontres, du beau temps. En trois ans d’expatriation au Mexique j’ai pu créer de très jolis souvenirs mais l’expatriation n’est pas un fleuve tranquille. Il est évident que des expériences difficiles peuvent surgir dans notre pays d’origine mais elles ne sont pas du même ordre et surtout, on a nos proches pas bien loin pour nous épauler. En expatriation, on est parfois très seul et même s’il y a Skype et Whatsapp, il peut se révéler délicat d’expliquer à ceux restés en France ce qu’on vit. J’ai la chance d’avoir dans ma famille des personnes qui se sont expatriées et qui donc sont plus à même de comprendre mais la vie suit son train et avec le décalage horaire il n’est pas toujours facile d’être « raccord ».


L’expatriation est une incroyable aventure mais qui comporte son lot de challenges, même les expatriés les plus épanouis vous le diront. S’adapter, trouver son rythme, sa place, peut prendre du temps. Chaque jour est source de découverte et d’apprentissage. En définitive, j’ai souhaité au travers de ce post faire une sorte de bilan après avoir publié Trois années d’expatriation au Mexique, une compilation pas facile mais qui est ce qu’elle est, qui fait partie de la réalité que j’ai vécu.


Mais pour ne pas ternir le blog, j’écrirais un prochain article sur mes plus belles expériences au Mexique. Tenez-vous prêts ! Et en attendant, je vous invite à lire Pourquoi j'aime le Mexique...

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