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Le marathon de Monterrey: la fausse-bonne idée?


Le 9 décembre dernier j’ai couru mon premier marathon à Monterrey, ma ville d’expatriation depuis deux ans et demi. Ce fût une expérience décevante et en plusieurs aspects inattendue. Ce marathon était-il prévu ? M’y étais-je préparée ? Pourquoi courir un marathon ? Que s’est-il passé le jour J ? Rembobinons la bande !

Était-il écrit que j’allais courir le marathon de Monterrey ?

En un mot : non. Mais la réponse n’est pas aussi simple que ça. Comme certains lecteurs le savent, je me suis mise à la course en expatriation (voir l’article Comment Monterrey a fait de moi une coureuse ?). Depuis mon installation à Monterrey le rythme de mes entraînements est allé crescendo et j’ai très tôt commencé à nourrir le désir de faire un marathon. Mon élan fût malheureusement interrompu en mai dernier lorsque je dus me faire opérer d’un hallux valgus au pied droit (voir l’article Se faire opérer au Mexique). Le temps de récupération nécessaire après une telle chirurgie ne me laissait à priori pas suffisamment de marge afin de me préparer au marathon de Monterrey prévu le 9 décembre suivant. Je tentais de « me faire une raison » mais Andy et un ami s’y inscrivirent et ce fût une claque : Andy m’avait toujours dit qu’un marathon ne l’intéressait pas, que c’était une distance trop longue, et alors que je venais de me faire opérer et que j’étais immobilisée, il avait soudainement changé d’avis.

On pourrait penser que peu importe, que ce n’est pas grave, que ma chirurgie était nécessaire et indépendante des choix que peut bien faire mon mari mais pour moi ce fût une période très difficile. Comme je dis toujours, la course c’est ce qui me tient dans mon expatriation, c’est ce qui m’a permis de rebondir, de garder le cap dans les moments difficiles. C’est mon challenge à moi et oserais-je le dire, je crois bien que c’est le pilier de mon expatriation.

C’est ainsi qu’avec un mental d’acier, je me suis remise à la course à la mi-août soit seulement deux mois après la chirurgie. Très étonnés de mes capacités, le chirurgien et le médecin de la rééducation m’ont encouragé. Cela ne fût pas sans efforts mais quand on veut, on peut ! Pleine de ténacité, je me suis inscrite au marathon de Paris qui a lieu en avril prochain. Cela me laissait du temps devant moi.

Suite à une reprise de la course régulière, j’ai également repris la danse en octobre à raison de trois classes par semaine (une de ballet et deux de jazz). C’était un complément idéal à la course pour renforcer les muscles et favoriser les étirements. De là, je ne me suis plus arrêtée. J’y suis allée à fond à raison de trois sorties par semaine, incluant des sorties longues, mais sans vraiment penser que je participerai au marathon. Mon objectif était de n’en courir que la moitié soit 21 km.

Quelques semaines avant le jour J, Andy avait dans son programme d’entraînement sa sortie la plus longue qui équivalait à 30 km dans le canyon de la Huasteca. Je l’ai accompagné en me disant que je ferai 15 petits kilomètres puis…j’en ai fait 25 sans trop savoir ce qui me portait. J’aurais pu faire demi-tour aux 7,5 km mais j’ai continué parce-que j’avais envie de courir plus, parce-que courir c’est addictif, parce-que je me sentais bien. Les jours qui ont suivis j’ai parfaitement récupéré et je n’ai en réalité ressenti aucune fatigue particulière.

C’est à l’issue de cette course qu’Andy et un ami ont commencé à faire pression pour que je cours le marathon complet. Selon eux, je me mettais des barrières toute seule (je précise que l’ami en question est entraîneur). Ils n’ont eu de cesse d’insister, de me pousser et…je me suis lancée. A tort ?

Comment s’est déroulé la course le jour J ?

Le 9 décembre au petit matin, alors qu’il faisait encore nuit, j’ai rejoint le Parque Fundidora, point de départ du marathon. J’arborais le dossard d’une certaine Lucia qui avait décidé de le revendre ne souhaitant plus participer à la course. J’ai démarré et je me suis sentie pleine de joie. Mon rythme était régulier, mes foulées mesurées, mon souffle bien réglé.

Puis, parvenue au 16ème kilomètre, j’ai été violemment poussée en avant. Nous étions tous serrés les uns aux autres car la circulation n’ayant pas été bloquée dans l’avenue en question, nous étions forcés de courir sur une voie latérale. D’un coup, sans que je ne comprenne ce qui se passait, j’ai été percutée et projetée en avant. Le choc fût rude. Les genoux et les mains écorchés, je ne parvenais pas à me relever car je me faisais littéralement piétiner par les autres coureurs. Quand je pus enfin me redresser, je vis qu’un policier et qu’un organisateur de la course m’observaient. N’auraient-ils pas pu me venir en aide ? Alors que je m’approchais d’eux pour leur demander où était le point de secours le plus proche, ils me répondirent qu’ils n’en savaient rien…Je dois admettre que j’étais hallucinée par le côté ubuesque de la scène. Je croisai une amie qui me proposa de l’aide mais je ne voulais pas la retenir dans son marathon, je l’incitai donc à continuer.

Un peu désespérée et en proie à la douleur je dus marcher durant 2 km avant de trouver de l’aide. Une jeune interne qui n’avait visiblement jamais fait un pansement de sa vie me versa de l’eau stérile et me mit une bande. J’avais mal partout : aux genoux, aux mains que j’avais mis en avant pour me retenir dans ma chute, au dos de m’être tant fait piétinée. Mais…je voulais continuer. En vérité, j’étais en colère. Je ne voulais pas renoncer sous prétexte que j’avais été poussée. Je me suis donc remise à courir, ralentie par la douleur.

Au 25ème km la bande me gênait et j’aperçus un poste de la Croix Rouge : alors que je leur demandai de me la retirer, ils voulurent me faire asseoir. Or je savais que si je m’asseyais, là, maintenant, au 25ème kilomètre, il en serait fini de la course pour moi. J’ai donc continué…

La douleur était telle que j’aurais pu (dû ?) abandonner. Au 28ème km, le papa d’Andy était là, prêt à prendre la photo. J’aurais alors pu renoncer et repartir avec lui car à ce stade, je n’en pouvais plus : la douleur était insupportable. Mais…j’ai continué. Et au 31ème km, mon corps n’a finalement plus voulu suivre. Je fus forcée de marcher et je me détestais pour cela. C’était la première fois que je me mettais à marcher durant une course.

J’ai marché, marché, marché…les yeux brouillés par les larmes. Larmes de douleur, larmes de rage. Je marchais vite en m’intimant de ne pas m’arrêter, en me répétant que j’y étais presque, que je pouvais le faire. A ce stade, il aurait été ridicule d’abandonner.

C’est vers la fin que me suis enfin remise à courir. La route était bordée de supporters, tous venus encourager leurs proches. Ils disaient que c’était bon, qu’on y était, qu’il ne restait plus rien. Je courais mais je ne pouvais pas m’empêcher d’arrêter de pleurer. J’étais tellement déçue et tellement en colère. Je me voyais de l’extérieur, courir dans cette ville que je n’affectionne pas et qui oserais-je le dire, je trouve laide? Une question me traversa l’esprit : que faisais-je donc là ? Je m’étais inscrite au marathon de Paris après tout. Pourquoi participais-je donc à celui de Monterrey ? Par déception qu’Andy s’y soit inscrit alors que je venais de me faire opérer ? Par orgueil ? Par colère ? Parce-que j’avais été influencée, mise sous pression ? Peut-être un peu de tout ça à la fois. Il est indéniable qu’Andy et notre ami commun ne m’avaient pas lâché pour que je cours ce marathon. Dans le même temps, c’est moi et moi seule qui avait fini par céder.

Le résultat

J’ai finalement franchi la ligne d’arrivée, très amochée. Chrono : 5h15 au lieu des 4h45 prévues…Andy dut m’accompagner dans un centre médical afin de recevoir des soins. Ma plaie au genou droit avait déjà commencé à s’infecter, ça en plus des hématomes et des deux orteils gonflés de sang qu’il fallait drainer. Le problème est que je prenais l’avion pour Paris deux jours plus tard. Autant dire que le voyage fut très inconfortable et que les jours qui ont suivis également. Je fus dans l’impossibilité de recourir durant 16 jours et ce n’est qu’au matin de noël que je m’autorisais une petite sortie de 5 km en guise de cadeau.

La fausse bonne idée ?

La vérité c’est que je n’ai tout simplement pas eu de chance. Si je n’avais pas été poussée les choses ne se seraient pas déroulées ainsi.

J’ai été choquée de ne pas recevoir d’aide, choquée de me faire piétinée et encore plus choquée, non pas tant par le policier (dont je n’attendais rien) que par l’un des organisateurs de la course. Son attitude fût pathétique. Le marathon était organisé par la marque de boissons énergisantes Powerade qui fait partie du groupe Arca Continental (propriétaires de Coca-Cola notamment). C’est une puissante organisation au Mexique qui a fait un travail minable de A à Z concernant l’organisation de la course. La nourriture à l’arrivée y était lamentable, on ne voulait pas me remettre ma veste de « Finisher » sous prétexte que je n’avais pas pris la bonne file alors que je recevais des soins et ils servaient en prime du Coca-Cola lors de la course (à côté bien-sûr de l’eau et du Powerade) ! Dans quel genre de compétition sportive sert-on des sodas ?

Quant aux autres coureurs, leur attitude fut également pathétique. Je suis pour ma part infirmière de formation, mais infirmière ou non, il ne me viendrait pas à l’idée de laisser quelqu’un à terre. Conclusion : les gens sont décevants, l’humanité est décevante. En définitive je suis très déçue et tout ça n’est pas fait pour me réconcilier avec ma ville d’adoption.

Néanmoins j’ai tout de même achevé ce marathon, j’en suis venue à bout quelque soit le contexte et j’ai la fierté de pouvoir me faire appeler « Finisher ». Ce fût une expérience, or bonnes ou mauvaises, de quelque nature qu’elles soient, on apprend toujours des expériences. On en ressort toujours plus riche et plus grand.

La suite ?

J’ai désormais un nouvel objectif : le marathon de Paris le 14 avril prochain. Je suis en plein dans la préparation et je danse toujours. Je rencontre des difficultés avec mon pied opéré dont l’articulation manque de flexibilité et qui a tendance à gonfler. Je suis donc forcée de retourner à la rééducation. Visiblement, selon le docteur, j’en fais trop. Elle comprend néanmoins que j’ai le marathon de Paris comme échéance. Elle m’accompagne donc du mieux qu’elle peut dans ce nouveau challenge et m’a fait promettre de ralentir le rythme après le marathon si je souhaite un jour pouvoir reporter des talons…

On en revient à la question : le marathon de Monterrey, une fausse-bonne idée ? Je crois qu’au fond, même si c’est difficile à admettre, je n’aurais pas dû céder à la pression de mon mari et d’un ami. J’aurais dû respecter ce que je m’étais dit et seulement faire 21 km. Je suis en colère après moi-même de ne pas avoir résisté même s’il n’y a pas forcément de corrélation entre le marathon de Monterrey et le fait que mon pied opéré me gêne. Ce qui est sûr est que je cours beaucoup, point.

Au fond, peut-être que le marathon de Paris aurait dû être mon premier…Je devais y participer seule mais Andy a finalement pu prendre des congés pour être également de la partie. Nous serons donc à nouveau ensemble dans cette aventure.

Mais la vérité c’est qu’on est toujours seul dans un marathon. Pas seulement parce qu’on ne court pas au même rythme que son compagnon ou de ses camarades mais parce-que c’est une expérience profondément solitaire. Une course, c’est un moment seul avec soi-même, en communion avec son corps. Les foulées génèrent une multitude de sensations, des sensations qu’on ne ressent pas lorsque l’on est au repos ou même que l’on marche. Cela procure un sentiment paradoxal car l’effort se conjugue au bien-être. Cela coûte de courir sur de longues distances mais c’est aussi exaltant. Je me sens toujours mieux après une course. Je me sens accomplie.

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