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#HistoiresExpatriées - Les relations sociales au Mexique


C’est Kenza, du blog Cup of English Tea, qui est la marraine du mois des Histoires Expatriées et qui a voulu nous faire aborder la question des relations sociales dans notre pays d’adoption. Sujet aussi vaste qu’intéressant qui m’a amené à prendre du recul et à m’interroger sur la façon dont se vivent les relations sociales au Mexique.

Aujourd’hui, je vous propose donc de voyager au cœur de la société mexicaine au travers des dimensions suivantes : l’intégration, le réseau, le savoir-être, les distances corporelle et sociale, les valeurs sociales, la famille, la notion du temps et la condition de la femme.

 

Une intégration facilitée

Premièrement, je dirais qu’il est relativement aisé de faire des connaissances et de s’intégrer au Mexique. Les Mexicains sont en effet chaleureux et ils n’hésitent pas à vous inviter à leurs fêtes, réunions, dîners, et ce même s’ils vous connaissent que depuis quelques heures. Comme les Américains me direz-vous ? Oui et non. Aux Etats-Unis, bien que le contact soit facile, il n’est pas rare que la relation reste ensuite superficielle, distante. Au contraire, si un Mexicain vous invite, il est fort probable qu’il souhaitera rester en contact ensuite, apprendre à mieux vous connaître. Il ne fait nul doute que l’étiquette de l’ « étranger » attire les curiosités mais quoiqu’il en soit, il ne me semble pas, de mon point de vue, que ce soit difficile de s’intégrer au Mexique, au contraire.

Peut-être cela est-il aussi dû au fait que les Mexicains aiment sortir : cela permet de faire des rencontres. Cela dit, je dois avouer qu’après plusieurs mois de tourbillons de sorties, j’ai saturé, en particulier parce-que je suis réservée et que j’ai besoin de me retrouver avec moi-même, dans mon espace, afin de recharger les batteries. Je me suis évertuée à contrer l’image relativement froide que les Mexicains ont des Français et je crois que je me suis plutôt bien débrouillée, en particulier auprès des amis. En revanche, l’humour un peu lourd sur les clichés français persistent dans ma belle-famille et c’est à la longue (cela fait désormais plus de deux ans que je suis installée au Mexique) un peu pesant.

 

L’importance du réseau

Au Mexique, le réseau ou « networking » est une donnée majeure. J’ai appris au fil du temps que rien n’aboutit vraiment sans avoir de solides contacts. En effet, les Mexicains sont particulièrement attachés aux relations humaines et lorsqu’ils ne vous connaissent pas cela peut se révéler compliqué. Ils n’hésitent ainsi pas à vous poser des questions personnelles et si cela peut sembler déroutant, sachez que c’est une phase nécessaire avant d’aller plus loin…

Le réseau est important dans la vie courante mais surtout bien-sûr dans l’environnement professionnel. Sans contact (et particulièrement en tant qu’étranger), il est peu probable que vous puissiez trouver du travail. Cela se révèle compliqué lorsque l’on est fraîchement débarqué dans un nouveau pays…Se constituer un réseau prend en effet du temps. Mais c’est une composante essentielle à laquelle personne ne coupe.

Par ailleurs, bien que Monterrey (ville où je réside) soit vaste, tout le monde se connaît. C’est là que le proverbe « le monde est petit » prend tout son sens. Le fait est que les « regios » (habitants de Monterrey) sont installés dans la ville depuis des générations. Bien qu’ils voyagent, étudient à l’étranger, travaillent parfois à l’étranger, ils ont globalement tendance à revenir aux sources ce qui en fait une communauté assez liée. Il va de soi qu’à Mexico, dans la capitale, la population est beaucoup plus nombreuse et brassée.

En définitive, au Mexique, il faut prendre soin de ses relations.

 

Le savoir-être au Mexique

Les codes mexicains sont bien différents des codes français. Voici quelques exemples, non-exhaustifs, de formes de politesse typiquement mexicaines.

Tout d’abord, au Mexique, on ne dit pas non. C’est incorrect. Comment fait-on alors ? On ne dit rien ou on dit oui, même si en fin de compte…c’est non ! Cela peut sembler étrange mais répondre non au Mexique peut vite s’apparenter à une offense, un manque de respect. Ainsi, si quelqu’un vous invite à dîner chez lui et que vous ne pouvez pas pour quelque raison que ce soit, il vous faut trouver un prétexte (vrai ou faux). En France cela paraît hypocrite (on préférerait en effet une réponse honnête, même négative) mais au Mexique c’est une nécessité, une marque de politesse.

De plus, il faut oublier les rapports de force. Quand nous avons tendance en France à aller directement au cœur des choses et à ne pas hésiter à souligner les problèmes de façon frontale, il est préférable de se contenir au Mexique. Si vous avez une plainte quelconque à propos d’u service (dans un hôtel par exemple) ne vous dirigez pas vers la réception avec vos remontrances. Si vous êtes trop direct, vos interlocuteurs vont avoir tendance à se fermer, à se sentir attaqué personnellement et vous avez alors toutes les chances de vous faire des ennemis. Certains parlent à cet égard de la sensibilité mexicaine. La confrontation au Mexique ne mène jamais à une issue positive. Quelle est donc la solution ? Sourire, rester patient, discuter…Je parlerais presque de séduction.

Petit conseil en passant si vous venez me rendre visite au Mexique : ici, la nourriture se partage, et ce même au restaurant. Lorsque vous n’engageriez jamais une valse des assiettes en France, ne soyez pas surpris si vos amis mexicains commencent à piquer dans votre assiette et vous propose la leur ! Il n’est également pas rare de commander des plats « al centro » soit au centre de la table et de tous y picorer. A contrario, ne soyez pas non plus surpris si vous en voyez certains qui commencent à manger alors que tout le monde n’a pas encore été servi. C’est impoli en France mais cela semble normal au Mexique…

 

La distance corporelle

Chaque culture a une conception différente de la distance corporelle. Par exemple, dans les pays scandinaves, cette distance est relativement importante. Au contraire, au Mexique, la distance corporelle est bien moindre. Ainsi, lorsque vous saluez vos amis, ne vous étonnez pas d’être pris dans les bras de l’autre ! Il s’agit d’un véritable « hug » associé à une bise (et non pas deux comme en France). Au début, ça me déstabilisait, mais maintenant, c’est lorsque je reviens en France que je dois me réadapter.

Au noël dernier, l’épouse de mon père n’a pas compris lorsque je suis arrivée de l’aéroport et que je l’ai prise dans mes bras. Elle est restée raide comme un piquet en se demandant ce qui arrivait. Elle m’en parle encore !

 

La distance sociale : hiérarchie et clivages sociaux.

La société mexicaine est beaucoup moins « mixée » qu’en Europe. Il existe une véritable fracture sociale entre ceux d’ « en haut » et ceux d’ « en bas », et la classe moyenne est tout juste émergente. C’est un aspect délicat pour moi qui suis habituée à prendre le métro parisien, véritable microcosme de la société en général. Il n’est pas rare que j’entende ici des commentaire classistes ce qui a tendance à m’horripiler. Dans ce contexte, la hiérarchie, qu’elle soit sociale ou professionnelle, est une composante importante. Au Mexique, le statut social compte et vous rend plus ou moins digne de valeur aux yeux de votre interlocuteur. Oubliez le management horizontal des pays nordiques : vous ne verrez jamais un chef d’entreprise discuter avec l’ouvrier de l’usine. La distance hiérarchique est forte.

 

Les valeurs sociales: conservatisme et religion.

On trouve dans la société mexicaine des valeurs spécifiques qui régissent les relations sociales : conservatisme et catholicisme en sont deux exemples majeurs et c’est particulièrement vrai dans le nord du pays. Monterrey est ainsi une ville très conservatrice. Cela signifie que les relations sexuelles avant le mariage sont encore condamnées, qu’une femme ne doit pas quitter le foyer familial avant de se marier, que la destinée des hommes et des femmes est de se marier et d’avoir des enfants…On observe donc une reproduction de schémas traditionnels, inextricablement liés à la religion.

La société est profondément catholique, dans un sens plus « extrême » qu’en France, je dirais plus archaïque, et les références à Dieu sont présentes jusque dans le langage. Il n’est pas rare d’entendre des expressions telles que « Si Dios quiere » (Si Dieu le veut) ou « Que dios te bendiga » (Que Dieu te bénisse) en guise d’adieu.

Il existe par ailleurs une forte communauté protestante (appelée ici « comunidad cristiana ») où la notion de foi imprègne tous les aspects de la vie quotidienne dans un sens presque dogmatique. C’est un concept que j’ai dû mal à expliquer, mais mon propos est ici de souligner que la foi et la religion tombent aisément au Mexique dans des extrêmes, à l’instar de bon nombre de politiques dans le monde actuellement (extrême droite au Brésil, extrême gauche au Mexique, montée des populismes en général…), ce qui n’est pas vraiment réconfortant.

Dans mon cas, j’évite au Mexique de m’exprimer sur la religion et la politique dans des cercles larges, en particulier en tant qu’étrangère (voir l’article Expatriation et expression politique).

 

La famille

La famille est une valeur sacrée au Mexique et se situe au cœur des relations sociales. Les membres d’une même famille passent généralement beaucoup de temps ensemble, notamment le week-end. Bien-sûr, on trouve des familles françaises qui déjeunent ensemble le dimanche par exemple, mais c’est dans une moindre mesure qu’au Mexique, et ce en particulier parce-que bon nombre de familles françaises ne vivent pas à proximité des grands-parents : il existe une distance géographique qui est rare au Mexique où les familles restent proches les unes des autres.

Dans la continuité de cet état de fait, la figure maternelle est une figure centrale de la société mexicaine. Plus que d’avoir du respect pour la mère, il existe un véritable sentiment de redevabilité et ce en particulier de la part des fils, ce qui n’est pas sans rappeler ce que l’on peut observer en Italie, en Espagne et au Portugal. En France, je dirais que nous sommes plus modérés. A titre d’exemple, le jour de la fête des mères se transforme ici en une grande fête marquée par des déclarations d’amour et de nombreux présents. Ceci est bien-sûr une tendance globale et ce n’est pas comme ça dans toutes les familles (ainsi ce n’est pas franchement le cas de ma belle-famille).

 

Les relations sociales et le temps

A l’instar de la hiérarchie et de la distance corporelle, la notion du temps varie en fonction des cultures. Ainsi, lorsqu’en France on est à l’heure, ne soyez pas surpris qu’au Mexique les amis que vous avez invité pour la soirée arrivent avec 30 minutes à 2 heures de retard…Incroyable mais vrai ! C’est irrespectueux en France mais normal au Mexique (mon propos se situe ici dans un contexte amical et non professionnel).

En ce qui me concerne, c’est tellement dérangeant que j’ai arrêté d’inviter certaines personnes chez moi qui arrivaient régulièrement après 23h lorsque l’invitation était fixée pour 21h…Bien que je doive m’adapter à une culture différente de la mienne, je considère que chez moi, il y a un minimum de règles à respecter. Désormais, avec Andy, lorsqu’on reçoit à la maison, on invite nos amis qui l’on sait savent être à l’heure. J’avoue que préparer un dîner pour tout le monde et voir des gens arriver au moment du dessert, voir après, ça me hérisse. C’est d’ailleurs pour cela que mes 30 ans se sont fait en petit comité. Cela en a peut-être vexé certains, mais il était hors de question pour moi de recevoir après 23h, heure à laquelle certains invités commencent à partir, ce qui est alors somme toute normal.

Par ailleurs, si vous entendez quelqu’un vous dire « ahorita », ce qui signifie littéralement « maintenant », ne le prenez pas au pied de la lettre. Au Mexique, on prend le temps…La perception du temps est quelque chose de relatif et ce qui vous semble lent peut en réalité paraître rapide pour un Mexicain. Les choses n’iront pas plus vite parce-que vous le voulez et comme je l’ai mentionné plus haut, les Mexicains ne réagissent franchement pas bien à la pression. La clé ? Respirer, sourire (oui encore et toujours !), vous relaxer et…les choses viendront.

 

La femme en position d’infériorité

Comme je le développais dans l’article Être une femme en France et au Mexique, les femmes ont encore un long chemin à parcourir au Mexique. Il existe bel et bien un machisme ambiant et les femmes qui travaillent perçoivent des salaires largement inférieurs à ceux de leurs pairs masculins. Rien ne leur est facilité pour mener de front une vie professionnelle et une vie de famille. Les choses sont sans nul doute en pleine mutation mais tout changement sociétal nécessite du temps.

 

D’un environnement international à une vie mexicaine

En ce qui me concerne, à mon arrivée au Mexique, j’évoluais essentiellement dans un environnement international car j’étais alors en semestre d’échange et la majorité des étudiants étaient étrangers. La langue dominante était l’anglais et il y avait finalement peu de contact avec la culture mexicaine. Puis j’ai rencontré Andy (Mexicain et aujourd’hui mon mari) qui m’a ouvert au Mexique, qui me l’a conté, fait découvrir, visiter, goûter.

Lorsque je me suis installée en juillet 2016, les étudiants étrangers que je connaissais étaient tous repartis et j’ai alors bénéficié d’une plus grande immersion. Au contact de la famille d’Andy et de ses amis, j’ai pu améliorer mon espagnol et en apprendre toujours plus sur la culture mexicaine. J’ai fait quelques incursions dans la petite communauté française de Monterrey mais en définitive, c’est avec les Mexicains que je me sens le mieux, sans que je sache comment vraiment l’expliquer.

 

L’expatriation nous confronte à une multitude de nouveautés parmi lesquelles l’on compte des relations sociales différentes de notre pays d’origine. Il nous appartient de les observer et si ce n’est de pleinement les embrasser, de nous y adapter. Je pense que les erreurs sont inévitables, en particulier dans les premiers temps, car l’on est alors dans une phase d’apprentissage, d’assimilation.

Je me souviens qu’au début, Andy me « reprenait » beaucoup. Il s’évertuait à « corriger » mes attitudes, me répétant ce que je devais faire et ce que je ne devais pas faire, à tel point que je dus mettre des limites car c’était simplement trop. Je suis parvenue à un stade où j’ai eu le sentiment que je n’étais plus moi-même et c’est véritablement à ce niveau que se situe l’un des challenges de l’expatriation : comment s’adapter au mieux tout en conservant son identité ?

Je ne prétends pas avoir trouver la clé : j’essaie simplement de faire au mieux. Mais en définitive, aujourd’hui j’ai diminué mes efforts, en m’autorisant à être moi-même.

Cet article participe au RDV #HistoiresExpatriées organisé par le blog L'Occhio di Lucie.


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