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Vu d’en haut : Monterrey asphyxiée.


En 2019, j’ai été complètement absente du RDV mensuel de blogueurs #HistoiresExpatriées et comme vous avez pu le voir dans 2019 : le bilan du blog et de l’année, mon rythme d’écriture s’est révélé de façon générale moins soutenu. J’ai donc l’immense plaisir d’écrire le premier article de 2020 en revenant à ce rendez-vous où chaque mois des expatriés aux quatre coins du globe écrivent autour d’un thème commun.


Le thème de janvier nous a été donné par Lucie du blog L’Occhio di Lucie expatriée à Venise et s’intitule simplement « En haut ». Aux blogueurs de laisser libre cours à leur imagination…

 

Monterrey n’est pas une ville en altitude. Elle se situe à 540 mètres au-dessus du niveau de la mer contre 2 250 mètres pour Mexico la capitale. À titre indicatif, Paris ne se trouve qu’à 35 mètres d’altitude.


La Huasteca


En revanche, Monterrey est surnommée au Mexique « la ciudad de las montañas » car où que l’œil se porte, il apercevra des montagnes. L’incontournable que j’aperçois depuis ma fenêtre est le Cerro de la Silla dont le sommet s’apparente à une selle de cheval et dont le Pic Nord atteint les 1 820 mètres. La ville compte également le Cerro de las Mitras, qui tire son nom de sa forme de mitre (coiffure d’évêque), le Cerro del Topo Chico d’où est extrait la « Topo Chico », une eau nationale naturellement gazeuse, le canyon de La Huasteca où je cours régulièrement, la chaîne de la Sierra Madre dont les principaux sommets sont la M (2 020 mètres), Las Antenas, la Ventana, le Copete de las Águilas (2 236 mètres) et encore bien d’autres…Je vis moi-même sur le flanc d’une montagne, le Cerro del Mirador dont le sommet atteint les 1 135 mètres.


Ces montagnes sont l’orgueil régional des « regios », les habitants de Monterrey, bien que la majorité d’entre eux ne s’y soit jamais aventuré. Seule une faible portion des locaux est véritablement adepte du « hiking » parmi lesquels certains en ont fait leur métier et proposent des excursions. En effet, certains sommets ne sont pas ouverts au public sans l’accompagnement d’un guide.

Bien que j’apprécie la montagne, j’ai clairement un plus grand penchant pour la mer. Mais parce-que le destin m’a mené à Monterrey et que j’essaie d’en tirer un maximum de bénéfices, j’ai décidé de grimper. Grimper pour tenter une expérience nouvelle, grimper pour échapper à la torpeur de la ville, grimper pour relever un défi, grimper pour voir différemment. Je me demandais comment était Monterrey vu d’en haut.


Par une chaude journée d’août, nous partons à l’aube avec un petit groupe et deux guides en direction de la M. Nous apprenons qu’il y a déjà trop de gens qui ont commencé l’ascension et qu’il n’est plus possible d’y admettre de nouveaux visiteurs : le sommet va être surchargé. Nous optons donc pour une alternative : Las Antenas et la Ventana situées à 1950 mètres d’altitude. Mon sac à dos est lourd à cause des cinq litres d’eau que je transporte. Le début est relativement facile mais plus nous avançons, plus le chemin se fait raide. Je me félicite d’avoir amené mes gants de gym pour pouvoir m’agripper aux rochers. Finalement, après 2h30 d’ascension, nous parvenons au sommet.


Tous poussent des soupirs de soulagement et des cris d’admiration, ils répètent que l’effort en valait mille fois la peine. Je m’assois à l’écart, je ne suis pas entièrement du même avis. C’est normal, je ne suis pas une adepte de la montagne et je peine à véritablement l’apprécier. Je regarde l’immensité autour de moi et bien que je ne puisse nier que le paysage soit superbe, je ne peux m’empêcher de penser que j’aurais pu m’en passer. Non, je ne suis pas émue aux larmes et je suis plutôt tendue à l’idée de devoir faire le chemin en sens inverse. Je suis néanmoins heureuse d’avoir relevé le défi.



Je fouille dans mon sac à dos à la recherche d’un sandwich et alors que je fais volte-face, des massifs montagneux à la ville, je suis horrifiée par ce que j’ai devant mes yeux. Monterrey est à peine perceptible, perdue dans une masse grisâtre, disparaissant dans un immense nuage de poussières. Cela fait des mois que je suis incommodée par la pollution mais cette fois-ci, je visualise clairement l’ampleur du problème. Monterrey est asphyxiée, la faune et la flore sont asphyxiés, nous sommes asphyxiés.


D’un côté de la chaîne de la Sierra Madre, les montagnes se détachent sur un ciel bleu azur et de l’autre côté, Monterrey crève sous les particules.


Vue sur les massifs montagneux


En voyant l’horreur sur mon visage, le guide me mentionne que ce n’est pas tous les jours comme ça. Je ne trouve rien à répondre. La sensibilité écologique est très faible au Mexique et je suis parfaitement consciente qu’une grande majorité des locaux n’est pas disposée à faire le moindre effort. Bien que les études sur la qualité de l’air soient dramatiques et que les médecins aient tiré la sonnette d’alarme en indiquant une forte augmentation des consultations pour problèmes respiratoires, le gouvernement est resté silencieux.

Non, le réseau de transport en commun ne sera ni agrandi, ni amélioré et non, l’activité des usines et le traitement de leurs déchets ne sera pas non plus mieux régulé. Expliquer ces absences de mesures est compliqué. De façon assez simpliste, je me limiterais à dire que c’est politique. Monterrey est un centre économique du pays et de nombreuses usines qui y sont implantées (Cemex, Arca Continental, Femsa, Alfa, Vitro…) ont un rôle majeur dans l’économie mexicaine. Une mesure est cependant entrée en vigueur au 1er janvier dernier : supprimer l’usage des sacs en plastique. Cela semble évident en Europe, c’est un premier pas au Mexique.


Je me suis assise sur un rocher en faisant dos à la ville. Je n’avais plus envie de voir ça mais maintenant je regrette de ne pas avoir pris de photos. J’ai mangé mon sandwich en observant les montagnes de l’autre côté, désormais angoissée à l’idée de redescendre dans quelque chose qui se rapproche de l’idée que je me fais de l’enfer.



La descente me paraît interminable. Je ne suis pas vraiment habile en montagne et je n’arrête pas de glisser. Presque parvenue à la fin, des dizaines et des dizaines de sauterelles gigantesques apparaissent de toutes parts or j’ai une véritable tendance phobique avec ce genre de bêtes et les insectes en général. C’est cauchemardesque. Cela me donne vraiment la sensation que je descends en enfer.


Je me sens un peu étourdie par l’excursion. J’ai chaud, je suis fatiguée mais surtout j’ai le vague à l’âme et aussi un peu l’envie de courir à l’aéroport et de quitter Monterrey. Je suis asthmatique et je suis régulièrement gênée au quotidien mais voir la ville d’en haut a fini de m’achever.


Vue de chez moi sur le Cerro de la Silla par jour clair


Monterrey, ville de montagnes, entourée de sommets tantôt verts, tantôt désertiques, d’une nature à l’état brut. Mais vu d’en haut…Monterrey asphyxiée.


Voici quelques liens vidéo qui illustrent cet article:


Viaja por las montañas de Monterrey: une courte vidéo de 57 sec sur la beauté des montagnes de Monterrey.

Aire Tóxico: postée en octobre 2018 sur la problématique croissante de la pollution à Monterrey.

NL activa alerta ambiental por partículas contaminantes: postée en février 2019 sur les particules en suspension à Monterrey.

 

Cet article participe au RDV HistoiresExpatriées organisé par le blog L’Occhio di Lucie.


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